Michel Le Faucheur naît à Genève vers 1585, dans une famille pieuse de réfugiés français, probablement originaires de La Rochelle et appartenant à la classe moyenne. Son père, du même nom, et sa mère, Suzanne Ladoise, ont quatre enfants : Michel, Jérémie, Samuel et Suzanne.
Son enfance est rude et marquée par la piété austère huguenote. Il étudie la théologie sous des maitres illustres, tels que Théodore de Bèze (1519-1605) et acquiert une solide connaissance, non seulement du latin, du grec et de l’hébreu, mais aussi du syriaque. Son aisance linguistique lui permet de bien connaître les auteurs de l’antiquité ainsi que les pères grecs et latins.
Ses talents théologiques considérables lui valent une nomination comme pasteur à l’église de Dijon (Bourgogne) alors qu’il n’a que 18 ans. En 1607, il accepte un poste à Annonay (Ardèche) sans avoir reçu un congé régulier de l’Eglise de Dijon, ce qui lui vaut une plainte au synode national de La Rochelle de la même année. En 1609, il se rend à Paris et prêche trois fois à Charenton. Ces prêches sont remarqués et on rapporte même que « quand il vint à sa péroraison, il tira les larmes des yeux de la plupart de ceux de l’assistance, même de ceux de M. de Sully, encore que les componctions en ceux de sa qualité soient fort rares ». Il n’est donc pas étonnant que plusieurs Eglises se disputent ce pasteur dont la réputation oratoire se répand, y compris dans le Midi, où il prêche à l’occasion de visites chez sa sœur, mariée à Montpellier.
Malgré son jeune âge, la province du Vivarais l’envoie siéger à l’assemblée politique du parti protestant à Saumur en 1611 (suite à l’assassinat de Henri IV en 1610) puis au synode de Privas en 1612. Lors de ce synode, on débat d’ailleurs de son récent départ d’Annonay. En effet, dans des circonstances quelque peu troubles, l’Eglise de Montpellier a réussi à le débaucher. Elle se voit réprimandée par le synode, mais on laisse Le Faucheur continuer son ministère à Montpellier. Il y exerce non seulement la fonction de pasteur, mais aussi de professeur de théologie à la faculté locale, qui est florissante à cette époque. Comme la plupart des pasteurs de cette époque, il doit soutenir des joutes théologiques avec des représentants de l’Eglise catholique, et notamment avec l’évêque de Montpellier.
En 1620, Le Faucheur représente le Bas Languedoc au synode national d’Alès.
En 1623, le Parlement de Toulouse prend un arrêté interdisant la prédication aux ministres d’origine étrangère. Le Faucheur monte à Paris pour demander au roi, Louis XIII, d’invalider cet édit. Il obtient gain de cause. En cette même année, il participe comme représentant du Bas Languedoc au synode national de Charenton et se voit élu secrétaire.
Peu après, il répond favorablement à l’invitation du consistoire de Nîmes qui lui demande d’apaiser les protestants de la ville. Il réussit à les convaincre qu’un soulèvement nuirait à leur cause, ce qui retarde leur ralliement à la révolte du duc Henri II de Rohan (1579-1638).
En 1626, Le Faucheur représente le Bas Languedoc au synode national de Castres, qui le charge de rédiger la réfutation d’un écrit du cardinal Jacques Davy du Perron (1556-1618) – un ancien calviniste converti au catholicisme – sur l’Eucharistie.
En automne 1632, Le Faucheur est convoqué par le cardinal Richelieu (1585-1642) qui se trouve dans le Midi avec Louis XIII et qui cherche à gagner le pasteur à sa cause. Le Faucheur refuse les 10 000 francs offerts par le cardinal, ce qui lui vaut une interdiction de prêcher – c’est une épreuve très douloureuse pour le pasteur.
Paul Cabanac pense que Le Faucheur dessert néanmoins l’Eglise de Moncornet (Picardie) « trop petite et trop éloignée de Paris pour que le cardinal en prit ombrage » entre 1631 et 1636.
Quoi qu’il en soit, le pasteur interdit multiplie les tentatives pour obtenir son rétablissement, mais, dans un premier temps, il n’obtient que de vaines promesses.
En 1635, Le Faucheur fait partie d’une délégation de plusieurs pasteurs réformés qui rendent visite à Hugo Grotius (1583-1645), fraichement nommé ambassadeur de Suède en France, pour l’inviter à prendre la Cène à Charenton, ce qui est possible pour un luthérien depuis les synodes d’Alès (1620) et de Charenton (1631). Grotius hésite à répondre favorablement à cette invitation mais finit par ne pas l’honorer, apparemment parce que les ministres reformés refusent de le recevoir dans sa qualité d’ambassadeur.
Un concours de circonstances conduit Le Faucher à prêcher à Charenton en 1636 ; par la suite, il sert cette Eglise pendant vingt ans, jusqu’à sa mort. Il a pour collègues Jean Mestrezat (1592-1657), Jean Daillé (1594-1670) et Charles Drelincourt (1595-1669).
En 1637, Le Faucheur intervient au synode national d’Alençon en faveur d’une solution paisible dans l’affaire concernant le théologien Moïse Amyraut (1596-1664) et le pasteur de Blois Paul Testard (1599-1650), tous deux accusés d’arminianisme par Pierre du Moulin (1568-1658) et son gendre Daniel Jurieu (1601-1663), défenseurs d’un prédestinatianisme strict.
Michel Le Faucheur meurt en 1657, à l’âge de 72 ans.
On peut signaler un fait rare pour un pasteur protestant : Michel Le Faucheur ne s’est jamais marié. La famille ne disparaît pas pour autant, car sa sœur Suzanne, épouse de l’avocat Dalmas à Montpellier, ainsi que ses deux frères Jérémie, sieur de la Rochette, et Samuel, avocat au conseil à Paris, ont eu des enfants.
Source principale : Paul Cabanac, Un prédicateur protestant du XVIIe siècle : Michel Le Faucheur (1585-1657), Thèse présentée à la faculté de théologie protestante de Montauban pour obtenir le grade de bachelier en théologie, Montauban, Imprimerie Administrative et Commerciale J. Granié, 1901, 85 p.
NB : Paul Cabanac (1877-1951) a été pasteur, entre autres aux Ollières (07) (1902-1913) et à Camarade/Rieubach en Ariège (09) [à partir de 1920].
Aussi publié sur mon site sur la grande prédication française (ici).
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