Jean Monod naît le 5 septembre 1765, à Ambilly, un petit village à mi-chemin entre Annemasse (Haute-Savoie) et Genève. Il est le fils aîné de Gaspard Joël Monod (1717-1782), ancien pasteur et chapelain du gouverneur anglais de la Guadeloupe, qui s’est retiré à Genève comme traducteur et homme de lettres, et de Suzanne Madeleine Puerari (1739-1799), qu’il a épousée en 1763. L’attachement de Jean à la ville de Genève, qu’il considère comme sa patrie, est sans faille pendant toute sa vie.
Jean est d’abord formé par son père (il dira que « sa première éducation, soignée par son père, fut plus rapide que celle du collège »). Il entre en Première en 1776, en Belles-Lettres en 1777, en Philosophie en 1780, puis décide de suivre l’exemple de son père, en embrassant la carrière pastorale. Il entre à la faculté de théologie de Genève en 1782, année de la mort de son père, et réussit brillamment ses études. En 1785, il soutient sa thèse sur Le don des langues ; en 1786 il prêche son sermon d’épreuve devant la Vénérable Compagnie des pasteurs, sur 1 Co 4.5. Il est consacré pasteur le 12 mars 1787.
En 1790, le czar russe Alexandre Ier nomme une cousine de Jean gouvernante d’une de ses filles. Jean est chargé de l’accompagner à Saint Pétersbourg. A son retour, il décide de visiter Stockholm et Copenhague avant de rentrer à Genève. Arrivé dans la capitale danoise, il rend visite à Ferdinand Louis Mourier (1754-1831), son ancien condisciple à Genève et maintenant pasteur de l’Eglise réformée. A cette occasion, grâce au célèbre « incident du parapluie », il est présenté à la famille de Frédéric de Coninck, un richissime homme d’affaires d’origine huguenote. Julien-Pierre Monod raconte :
« Au cours d’une promenade dans Copenhague, Mourier et son ami sont surpris par une averse. Ils se trouvent devant la porte de la belle demeure de Frédéric de Coninck, négociant et conseiller d’Etat, l’un des principaux paroissiens de Mourier. Celui-ci monte pour emprunter un parapluie ; on veut le retenir ; il allègue la présence de son ami en bas ; « Faites-le monter », lui dit-on. C’est ainsi que Jean Monod est présenté à la famille de Coninck, présentation qui devait avoir pour lui des conséquences si importantes. »
En effet, Jean se lie d’amour avec la fille de Frédéric, Louise Philippine de Coninck (1775-1851), alors âgée de seize ans.
Après un séjour de plusieurs mois à Copenhague, Monod se rend à Berlin en 1791, puis il rentre en Suisse. Il revient à Copenhague en 1792, et y épouse Louise le 18 janvier 1793. Il a vingt-sept ans, sa femme en a dix-sept.
Le jeune couple part pour la Suisse. Leur premier enfant, Frédéric naît à Monnaz près de Morges en 1794. La même année, Jean est rappelé à Copenhague pour remplacer un des pasteurs de l’Eglise réformée française. Il desservira cette Eglise pendant quatorze ans. Pendant ce temps, sept enfants naissent au couple : Henri (1795), Adèle (1796), Edouard (1798), Guillaume (1800), Adolphe (1802), Gustave (1803) et Valdemar (1807).
En 1798, Jean Monod fait un voyage à Londres et à Paris. Il est invité à prêcher à l’Eglise réformée de Paris où il fait bonne impression.
En 1799, il perd sa mère, qui l’avait suivi à Copenhague, ainsi que sa sœur.
En 1807, le gouvernement anglais, sous prétexte que Napoléon et Alexandre Ier projettent une descente en Angleterre et veulent se servir à cet effet de la flotte danoise, somme le Danemark de lui livrer celle-ci. Le gouvernement danois refuse d’abord, mais, suite à des bombardements, il finit par céder et livre sa flotte. Par conséquent, le commerce danois est en grande partie arrêté et les affaires de la maison de Coninck sont fortement ébranlées.
L’Église réformée de Paris possède alors trois pasteurs, tous nommés par le Premier Consul : Jacques Antoine Rabaut dit Rabaut-Pommier (1744-1820), Paul-Henri Marron (1754-1832) et Jean-Frédéric Mestrezat (1760-1807). Peu après la mort prématurée de ce dernier, le Consistoire invite Jean Monod, en 1808, à lui succéder. Vu l’état de la maison de Coninck, celui-ci accepte cet appel ; la famille arrive à Paris le 1er décembre. Jean Monod est installé le 26 décembre par Rabaut-Pommier et prêche pour la première fois le 8 janvier 1809. Il est présenté à l’Empereur le 24 janvier, lors de son retour d’Espagne.
Cinq enfants lui naîtront à Paris : Marie (1809), Edmond (1811, mort la même année), Horace (1814), Elisa (1815) et Betsy (1818).
En 1811, il perd son beau-père, « l’un des meilleurs hommes et des plus aimables qui aient existé » selon lui.
En 1814, il « voit avec la plus vivre joie la chute de Bonaparte et le retour des légitimes souverains de la France, et avec eux la paix universelle ».
En 1817, l’Université de Copenhague lui confère le titre de docteur de théologie honoris causa.
En 1818, il assiste à Genève à la consécration de son fils Frédéric. Il l’installe en la qualité de pasteur adjoint de l’Eglise de Paris en 1820.
Jean Monod est un pasteur respecté de tous ; il reçoit la Croix de la Légion d’honneur en 1820.
Les dernières années de sa vie sont marquées par des soucis et tensions avec ceux de ses fils qui ont choisi la carrière pastorale.
Jean est un spectateur impuissant de la grande crise spirituelle de son fils Adolphe qui dure de 1824 à 1827. Quand celui-ci se convertit aux idées du Réveil, son père, adepte de la religiosité des Lumières, a du mal à comprendre. Julien-Pierre Monod, un petit-fils d’Adolphe, parle à cet égard d’un « fossé d’incompréhensions que la différence de génération ne suffit pas à expliquer ».
Des tensions entre Frédéric Monod – lui aussi un adepte du Réveil ; il quittera l’Eglise réformée en 1848 – et son père se manifestent lorsque Charles-Frédéric Grawitz (1804-1852), après des études de théologie à Montauban, souhaite être consacré au Temple de l’Oratoire à Paris. Sa requête est agréée en 1827. Frédéric Monod et son collège pasteur Henri François Juillerat-Chasseur (1781-1867) déclarent que « leur conscience ne leur permet pas de prendre part à cette consécration ». Ils adressent une lettre ouverte aux pasteurs de France et de Genève où ils accusent Grawitz de « professer des doctrines fondamentales erronées en opposition avec l’Ecriture sainte ». Le conflit est une expérience pénible pour Jean Monod, qui s’est prononcé en faveur de la consécration de Grawitz. Il écrit à Adolphe :
« Tu auras reçu la missive adressée à tous les pasteurs de France et de Genève, signée Monod fils, où il est bien prouvé que Monod père mène les âmes à la perdition. Je te dis cela non point en forme de plainte. Il y a onze ou douze ans lorsqu’on me disoit que Malan prononçoit la damnation de son père, je me recriois sur cette monstrueuse extravagance, et j’étois loin de croire qu’elle pût jamais se renouveler près de moi. Aujourd’hui je reçois cela, non sans un très grand chagrin et sans y voir un fâcheux présage pour nos Eglises, mais je le reçois comme une épreuve que la Providence réserve à ma vieillesse, et j’y trouve deux sujets de satisfaction : l’un, c’est de pouvoir me dire avec vérité et devant Dieu que je ne sens pas dans mon cœur la plus légère amertume, l’autre c’est de me fortifier de plus en plus dans mes croyances et de me féliciter de ne pas appartenir à celles qui se font les arbitres du salut et de la damnation des hommes. Comme la vie ainsi que la doctrine des méthodistes – NB : il s’agit là d’un sobriquet donné aux adeptes du Réveil – ne sont qu’un composé de contradictions (fort heureusement) je n’ai aucun doute que mes fils ne soient pour moi jusqu’à ma fin ce qu’ils ont toujours été, les meilleurs des fils. »
Guillaume Monod quant à lui chagrine son père notamment avec son attachement à la doctrine de la prédestination. Guillaume reçoit un premier poste comme pasteur à Saint-Quentin (Picardie) en 1828. Il manifeste dans l’exercice de son activité une certaine exaltation, ce qui finit par créer des tensions et annonce des dérèglements plus graves.
Les mésaventures d’Adolphe Monod dans l’Eglise réformée de Lyon dès 1829 sont également une grande source de chagrin pour son père, qui désapprouve la rigidité doctrinale de son fils.
L’année 1832 est particulièrement riche en événements :
Le 19 mars, Adolphe est destitué de son ministère à Lyon par ordonnance royale. Jean désapprouve vivement le fait que son fils s’investisse dans l’Eglise réformée évangélique de Lyon.
Le 5 mai, Guillaume doit être interné en maison de santé, après s’être présenté aux Tuileries un soir en prétendant devoir transmettre au roi Louis-Philippe un avertissement divin. Après un séjour de six mois à l’asile d’aliénés à Vanves, il est placé à Fishponds, près de Bristol, en Angleterre, où il reste enfermé quatre ans, jusqu’après la mort de Jean. Il en attribue la responsabilité principale à son père.
Le président du Consistoire de l’Eglise réformée de Paris, Paul-Henri Marron, meurt de la choléra le 31 juillet, et Jean Monod est nommé à ce poste. Frédéric devient pasteur titulaire.
En 1835, il entreprend un dernier voyage à Genève, à l’occasion du Jubilé de la Réforme. Pendant l’hiver 1835-1836, sa santé décline assez rapidement.
Jean Monod aura été pasteur de l’Eglise réformée de Paris jusqu’à sa mort le 23 avril 1836, à l’âge de 70 ans, des suites d’une maladie du cœur. Une foule d’environ 3000 personnes, comprenant pas moins de 57 pasteurs, assiste à ses funérailles au cimetière du Père-Lachaise.
Jean Monod n’a permis la publication que d’un seul sermon, donné à l’occasion de la paix de 1814, mais la famille a conservé une collection de 51 sermons en six volumes dont elle a fait don à la Vénérable Compagnie de Genève. La publication d’un choix de sermons a été envisagé par sa veuve et par ses quatre fils pasteurs (Frédéric, Adolphe, Guillaume et Horace) mais l’idée a finalement été abandonnée.
Jean Monod laisse aussi une traduction des lettres du théologien allemand Franz Volkmar Reinhard (1753-1812), sur ses études et sa carrière comme prédicateur. Il a également fourni une quinzaine d’articles à la Biographie Universelle de Louis-Gabriel Michaud, dont un sur son père.
Sources principales :
- Gustave Monod, La famille Monod, 1890
- Julien-P. Monod, Jean Monod (1765-1836), Bulletin de la société de l’histoire du protestantisme, 1936, p. 117-142
Aussi publié sur mon site consacré à Adolphe Monod (ici).