Il s’agit d’une belle prédication préparant les fidèles à la célébration de la Cène, extraite de la première décade de sermons.
Le texte clé
1 Co 11.28 : Que chacun s’éprouve soi-même et ainsi mange de ce pain et boive de cette coupe.
Contenu
Quand nous nous rendons au culte, pour écouter la Parole de Dieu et participer à la Cène, nous devons considérer que nous nous présentons devant le Dieu saint, malgré toute notre faiblesse, dans sa maison, et nous devons nous rappeler ce qu’est la Cène. Paul nous exhorte à nous examiner nous-mêmes, mais cet examen est difficile, car nous sommes souvent aveugles pour nos propres défauts, alors que notre perception des défaillances des autres est souvent exagérée. Or cette attitude est néfaste, car elle nous empêche de progresser.
L’examen de soi doit se concentrer sur deux choses : la réalité de notre repentance, et l’existence de notre foi. « La repentance regarde aux choses que Dieu attend de nous, mais la foi se propose les choses que nous attendons de Dieu. L’une regarde les commandements de Dieu, l’autre ses promesses. L’une règle nos actions, l’autre nos croyances. »
Repentance
La repentance commence par la connaissance de ses péchés. Il ne s’agit pas de nous comparer à nos semblables, mais de nous mesurer aux exigences de la loi de Dieu, et notamment l’amour de Dieu et du prochain. Or l’Ecriture associe amour de Dieu et obéissance, de sorte que celui qui désobéit n’a pas d’amour pour Dieu.
L’examen de nos péchés ne doit pas se contenter de l’extérieur, mais doit pénétrer nos pensées et affections intérieures, ainsi que nos paroles. Il ne doit pas se contenter du mal que nous avons fait mais doit embrasser tout le bien que nous avons omis de faire. Il faut se méfier des faux semblants. Ainsi, l’idolâtrie peut se cacher dans le culte du corps, dans les excès de table ou encore l’amour de l’argent, le meurtre dans le refus de générosité, et bien des convoitises charnelles peuvent rester camouflées dans notre cœur. De même, il faut démasquer les déguisements du péché, qui sait parfois se faire passer pour une vertu : l’avare se veut bon gestionnaire etc.
A cela s’ajoute que non seulement nous nous rendons coupables de péchés, mais nous péchons également en approuvant les fautes des autres. Celui qui écoute des blasphèmes et en rit, ne vaut guère mieux que le blasphémateur, et il se rend doublement coupable, en ne mettant pas en garde le malfaiteur.
Et ce n’est pas tout. Quelle part de notre temps avons-nous employé à avancer dans la foi, dans la connaissance et dans la crainte de Dieu ? Pis, nous nous donnons tout entier à nos occupations mondaines et nos divertissements, alors que notre esprit s’égare quand il s’agit de prier ou d’écouter la Parole. « Tout bien compté, il se trouve que Dieu n’a pas seulement la moindre partie de notre vie, mais aussi la pire, et celle à laquelle nous apportons le moins d’attention. »
Nos bonnes actions, quant à elles, procèdent souvent de mauvais motifs ; ainsi, la crainte d’une mauvaise réputation ou la volonté d’être bien vu peuvent générer certains comportements vertueux.
Bref, notre examen de nous-mêmes est souvent superficiel, et quand nous nous examinons en profondeur, le résultat n’est guère réjouissant, ce à quoi s’ajoute que bien de fautes restent cachées à nos yeux, sans pourtant être cachées à Dieu.
Ces pensées sont douloureuses pour quiconque aime Dieu et le pousser à la repentance, mais cette douleur est salutaire, car elle pousse le croyant à « changer de vie par un vrai et sérieux progrès, et un désir ardent de conformer pour l’avenir sa vie à la volonté de Dieu ». Ainsi, l’homme se trouve dans la bonne disposition pour prendre la Cène.
Foi
Le prédicateur passe ensuite au deuxième examen requis, à savoir l’examen de la foi. L’Ecriture toute entière nous enseigne que la foi est nécessaire au salut. La foi est en quelque sorte la main qui reçoit la grâce venant de Dieu. Il convient donc de « tâter le pouls de nos consciences pour reconnaître s’il est tranquille et réglé, et si elles se reposent en Jésus-Christ et en sa mort ».
Cet examen n’est pas sans difficulté, notamment parce qu’il y existe plusieurs sortes de fausse foi : la foi hypocrite, qui se résume à la profession extérieure ; la foi endormie qui se repose vaguement sur la miséricorde de Dieu ; la foi ignorante, par laquelle un homme se fie en ses propres mérites, la foi qui n’est que adhésion au contenu des Ecritures. « La vraie foi », par contre, « est celle par laquelle non seulement nous croyons que les promesses de Dieu sont véritables, mais aussi que ces promesses nous appartiennent ».
Du Moulin aborde ensuite les caractéristiques de la vraie foi. Tout d’abord, elle donne paix à l’âme et calme la conscience. Qu’a-t-il à craindre pour celui pour qui le Christ est mort ? Bien entendu, cette confiance n’est appropriée que si elle suit un temps de doutes et de troubles ; « on ne vient pas à cette paix et tranquillité de l’âme qu’après des combats et agitations intérieures ». De même, se calme prouve qu’il n’est pas simple endormissement parce qu’il nous porte dans les afflictions de la vie. Le prédicateur cite plusieurs signes de l’authenticité de notre foi : l’amour de Dieu qui remplit nos cœurs, notre désarroi face aux insultes faites à Dieu, notre perception de la main de Dieu derrière les bienfaits qui nous sont faits, notre souffrance face à notre péché et à celui du monde, l’amour des croyants et du prochain et plus généralement les bonnes œuvres qui marquent notre vie. En effet, « pour être assuré de son salut, il n’est pas besoin de fouiller les secrets de la prédestination, ni de feuilleter le livre de la vie. Il y a d’autres livres dans lesquels nous pouvons trouver cette assurance. Il y a le livre de l’Evangile qui dit que quiconque croit en Jésus-Christ ne périra pas, mais aura vie éternelle. Il y a aussi le livre de la conscience, par lequel le fidèle sent en soi-même qu’il croit en Jésus-Christ et ne met sa confiance en aucun autre … ».
Du Moulin conclut en insistant sur le fait qu’il ne faut pas désespérer de la faiblesse de notre repentance et de notre foi, ce qui compte, c’est qu’elle soit vraie et sans hypocrisie, et qu’elle soit accompagnée du désir de la fortifier, par l’étude de l’Ecriture et la pratique de bonnes œuvres. Cette attitude qualifie le croyant à prendre la Cène avec confiance.
La prédication proprement dite est suivie d’une méditation qui reprend, pour l’essentiel, les mêmes points, mais à la première personne, ainsi que de prières à dire avant et après la Cène.
Structure
Le sermon ne possède pas de structure très élaborée ; il comporte une introduction et deux parties à peu près de même longueur consacrées à l’examen de la repentance et celui de la foi. La prédication se termine sur un bref encouragement.
Points forts
Du Moulin prêche d’une manière très claire et compréhensible. Son tour d’horizon des problèmes liés à la repentance et la foi semble complet ; je le trouve assez poignant.
Faiblesses
La structure d’ensemble est assez molle et ne se dégage qu’après une recherche.
Eléments rhétoriques
Rien de particulier à signaler à cet égard. Du Moulin cause, il ne cherche pas d’effets rhétoriques.
Autres observations
Pour bien apprécier cette prédication, il faut savoir que la Cène était administrée très rarement dans les Eglises réformées de ce temps. On est donc très loin des pratiques de la plupart des Eglises modernes où la Cène est célébrée toutes les semaines ou du moins tous les mois.
Contrairement à sa réputation, Du Moulin se montre très peu polémique dans ce sermon.
Le texte original (en moyen français) ainsi qu’un enregistrement audio sont disponibles sur mon site consacré à la grande prédication française (ici).