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lundi 8 octobre 2018

Portraits de Pierre Du Moulin

S’il y a un pasteur huguenot dont nous ne manquons pas de portraits, c’est Pierre Du Moulin (ou Petrus Molinaeus, 1568-1658), pasteur à Charenton et ensuite professeur de théologie à Sedan.

Dans ma petite collection personnelle de gravures, il y a quatre portraits du vénérable pasteur :

La première gravure montre un Du Moulin encore relativement jeune. La Bibliothèque nationale d’Autriche, qui possède un exemplaire du même portrait, le date à 1614. Le pasteur aurait alors 46 ans.


L’inscription latine (« Petrus Molineus [sic] Philosophie Naturalis Professo. ») le présente comme professeur de philosophie naturelle.

lundi 22 janvier 2018

Sermons de Pierre Du Moulin



Je viens d’enrichir mon site de 109 sermons de Pierre Du Moulin (1568-1658), pasteur à Charenton et à Sedan et redoutable lutteur pour la cause protestante. Vous les trouverez ici.

Une petite biographie du prédicateur se trouve ici.

Les index scripturaire et chronologique ont été mis à jour.

mardi 25 août 2015

Les dernières heures de Pierre Du Moulin




Ceux qui s’intéressent aux grands prédicateurs protestants du XVIIe siècle découvriront tôt ou tard un genre littéraire intéressant, qui n’existe plus de nos jours, à savoir le récit des dernières heures des pasteurs.

mardi 26 mai 2015

Pierre Du Moulin – Lettre à ses fils



En lisant la thèse de Hartmut Kretzer consacrée aux rapports entre le calvinisme et la monarchie française au XVIIe siècle, je suis tombé sur une citation extraite d’une lettre que le pasteur Pierre Du Moulin (1568-1658) a envoyée à ses fils Pierre, Louis et Cyrus après avoir échappé de peu à la mort, en 1649. 

La lettre nous a été conservée en préface à la huitième décade de sermons du grand polémiste calviniste. 

Ce testament spirituel de Pierre Du Moulin est un document à la fois édifiant et touchant et vaut la peine d’être lu, à plus d’un titre. 

Vous pouvez télécharger une version mise à jour, par rapport à l’orthographe, et annotée par mes soins (ici). 

Sur mon blog consacré à la grande prédication française, vous trouverez également le facsimile de 1649 (ici).

vendredi 26 avril 2013

Pierre du Moulin - Pour se préparer à la Sainte Cène


 

Il s’agit d’une belle prédication préparant les fidèles à la célébration de la Cène, extraite de la première décade de sermons.

Le texte clé

1 Co 11.28 : Que chacun s’éprouve soi-même et ainsi mange de ce pain et boive de cette coupe.

Contenu

Quand nous nous rendons au culte, pour écouter la Parole de Dieu et participer à la Cène, nous devons considérer que nous nous présentons devant le Dieu saint, malgré toute notre faiblesse, dans sa maison, et nous devons nous rappeler ce qu’est la Cène. Paul nous exhorte à nous examiner nous-mêmes, mais cet examen est difficile, car nous sommes souvent aveugles pour nos propres défauts, alors que notre perception des défaillances des autres est souvent exagérée. Or cette attitude est néfaste, car elle nous empêche de progresser.

L’examen de soi doit se concentrer sur deux choses : la réalité de notre repentance, et l’existence de notre foi. « La repentance regarde aux choses que Dieu attend de nous, mais la foi se propose les choses que nous attendons de Dieu. L’une regarde les commandements de Dieu, l’autre ses promesses. L’une règle nos actions, l’autre nos croyances. »

Repentance

La repentance commence par la connaissance de ses péchés. Il ne s’agit pas de nous comparer à nos semblables, mais de nous mesurer aux exigences de la loi de Dieu, et notamment l’amour de Dieu et du prochain. Or l’Ecriture associe amour de Dieu et obéissance, de sorte que celui qui désobéit n’a pas d’amour pour Dieu.

L’examen de nos péchés ne doit pas se contenter de l’extérieur, mais doit pénétrer nos pensées et affections intérieures, ainsi que nos paroles. Il ne doit pas se contenter du mal que nous avons fait mais doit embrasser tout le bien que nous avons omis de faire. Il faut se méfier des faux semblants. Ainsi, l’idolâtrie peut se cacher dans le culte du corps, dans les excès de table ou encore l’amour de l’argent, le meurtre dans le refus de générosité, et bien des convoitises charnelles peuvent rester camouflées dans notre cœur. De même, il faut démasquer les déguisements du péché, qui sait parfois se faire passer pour une vertu : l’avare se veut bon gestionnaire etc.

A cela s’ajoute que non seulement nous nous rendons coupables de péchés, mais nous péchons également en approuvant les fautes des autres. Celui qui écoute des blasphèmes et en rit, ne vaut guère mieux que le blasphémateur, et il se rend doublement coupable, en ne mettant pas en garde le malfaiteur.

Et ce n’est pas tout. Quelle part de notre temps avons-nous employé à avancer dans la foi, dans la connaissance et dans la crainte de Dieu ? Pis, nous nous donnons tout entier à nos occupations mondaines et nos divertissements, alors que notre esprit s’égare quand il s’agit de prier ou d’écouter la Parole. « Tout bien compté, il se trouve que Dieu n’a pas seulement la moindre partie de notre vie, mais aussi la pire, et celle à laquelle nous apportons le moins d’attention. »

Nos bonnes actions, quant à elles, procèdent souvent de mauvais motifs ; ainsi, la crainte d’une mauvaise réputation ou la volonté d’être bien vu peuvent générer certains comportements vertueux.

Bref, notre examen de nous-mêmes est souvent superficiel, et quand nous nous examinons en profondeur, le résultat n’est guère réjouissant, ce à quoi s’ajoute que bien de fautes restent cachées à nos yeux, sans pourtant être cachées à Dieu.

Ces pensées sont douloureuses pour quiconque aime Dieu et le pousser à la repentance, mais cette douleur est salutaire, car elle pousse le croyant à « changer de vie par un vrai et sérieux progrès, et un désir ardent de conformer pour l’avenir sa vie à la volonté de Dieu ». Ainsi, l’homme se trouve dans la bonne disposition pour prendre la Cène.

Foi

Le prédicateur passe ensuite au deuxième examen requis, à savoir l’examen de la foi. L’Ecriture toute entière nous enseigne que la foi est nécessaire au salut. La foi est en quelque sorte la main qui reçoit la grâce venant de Dieu. Il convient donc de « tâter le pouls de nos consciences pour reconnaître s’il est tranquille et réglé, et si elles se reposent en Jésus-Christ et en sa mort ».

Cet examen n’est pas sans difficulté, notamment parce qu’il y existe plusieurs sortes de fausse foi : la foi hypocrite, qui se résume à la profession extérieure ; la foi endormie qui se repose vaguement sur la miséricorde de Dieu ; la foi ignorante, par laquelle un homme se fie en ses propres mérites, la foi qui n’est que adhésion au contenu des Ecritures. « La vraie foi », par contre, « est celle par laquelle non seulement nous croyons que les promesses de Dieu sont véritables, mais aussi que ces promesses nous appartiennent ».

Du Moulin aborde ensuite les caractéristiques de la vraie foi. Tout d’abord, elle donne paix à l’âme et calme la conscience. Qu’a-t-il à craindre pour celui pour qui le Christ est mort ? Bien entendu, cette confiance n’est appropriée que si elle suit un temps de doutes et de troubles ; « on ne vient pas à cette paix et tranquillité de l’âme qu’après des combats et agitations intérieures ». De même, se calme prouve qu’il n’est pas simple endormissement parce qu’il nous porte dans les afflictions de la vie. Le prédicateur cite plusieurs signes de l’authenticité de notre foi : l’amour de Dieu qui remplit nos cœurs, notre désarroi face aux insultes faites à Dieu, notre perception de la main de Dieu derrière les bienfaits qui nous sont faits, notre souffrance face à notre péché et à celui du monde, l’amour des croyants et du prochain et plus généralement les bonnes œuvres qui marquent notre vie. En effet, « pour être assuré de son salut, il n’est pas besoin de fouiller les secrets de la prédestination, ni de feuilleter le livre de la vie. Il y a d’autres livres dans lesquels nous pouvons trouver cette assurance. Il y a le livre de l’Evangile qui dit que quiconque croit en Jésus-Christ ne périra pas, mais aura vie éternelle. Il y a aussi le livre de la conscience, par lequel le fidèle sent en soi-même qu’il croit en Jésus-Christ et ne met sa confiance en aucun autre … ».

Du Moulin conclut en insistant sur le fait qu’il ne faut pas désespérer de la faiblesse de notre repentance et de notre foi, ce qui compte, c’est qu’elle soit vraie et sans hypocrisie, et qu’elle soit accompagnée du désir de la fortifier, par l’étude de l’Ecriture et la pratique de bonnes œuvres. Cette attitude qualifie le croyant à prendre la Cène avec confiance.

La prédication proprement dite est suivie d’une méditation qui reprend, pour l’essentiel, les mêmes points, mais à la première personne, ainsi que de prières à dire avant et après la Cène.

Structure

Le sermon ne possède pas de structure très élaborée ; il comporte une introduction et deux parties à peu près de même longueur consacrées à l’examen de la repentance et celui de la foi. La prédication se termine sur un bref encouragement.

Points forts

Du Moulin prêche d’une manière très claire et compréhensible. Son tour d’horizon des problèmes liés à la repentance et la foi semble complet ; je le trouve assez poignant.

Faiblesses

La structure d’ensemble est assez molle et ne se dégage qu’après une recherche.

Eléments rhétoriques

Rien de particulier à signaler à cet égard. Du Moulin cause, il ne cherche pas d’effets rhétoriques.

Autres observations

Pour bien apprécier cette prédication, il faut savoir que la Cène était administrée très rarement dans les Eglises réformées de ce temps. On est donc très loin des pratiques de la plupart des Eglises modernes où la Cène est célébrée toutes les semaines ou du moins tous les mois.

Contrairement à sa réputation, Du Moulin se montre très peu polémique dans ce sermon.  

Le texte original (en moyen français) ainsi qu’un enregistrement audio sont disponibles sur mon site consacré à la grande prédication française (ici).

vendredi 11 janvier 2013

Pierre du Moulin – une petite biographie



Pierre du Moulin (Petrus Molinæus ; pour faire simple, je l’appellerai simplement Pierre dans ce qui suit) naît le 16 octobre 1568 à Buhi. Son père, Joachim du Moulin (1538-1618) est pasteur. Issu des rangs de la haute noblesse, ancien catholique, il a été déshérité par sa mère, Jeanne Douville (ou De Houville), suite à sa conversion. Il a épousé, en 1564, Françoise Gabet Du Plessis (1542-1573), fille d’un juge du roi, tué peu après la Saint-Barthélemy. Le couple a quatre enfants : Ester (1565-1641), Joachim (1567-1583), Pierre et Eléazar (1570-1588). Alors que la mère de Pierre est enceinte de lui, la famille doit fuir Mouy et se réfugie au château de Buhi (maintenant Buhy), en Vexin, au nord-ouest de Paris, près de Mantes. C’est donc là que Pierre vient au monde.

Comme les persécutions redoublent, Joachim se réfugie à la principauté de Sedan, où il fait venir sa femme, avec les deux enfants aînés. Pierre reste à Buhi, chez une nourrice. En 1570, la famille est de nouveau réunie à Cœuvres où se réunit l’Eglise de Soissons, dont Joachim est le pasteur.

En 1572, le Seigneur des lieux ayant changé de religion, la famille du Moulin doit de nouveau fuir. Pierre et sa sœur sont confiés à une ancienne domestique ; ils frôlent la mort. Voici comment Gédéon Gory raconte la scène :
« Ses parents, dans leur fuite, le laissèrent avec son frère et sa sœur chez une vieille femme catholique, Ruffine, qui avait été leur domestique et qui demeurait à un quart de lieue de Cœuvres. Cette femme cacha les enfants dans la paille, sous le lit, et les « massacreurs » arrivèrent. Ils avaient l’ordre de n’épargner ni femmes ni enfants. Le petit Pierre, effrayé par le bruit qu’ils firent, et souffrant, dans la paille qui le couvrait, du manque d’air et de lumière, poussa quelques cris que la vieille femme entendit. Pour couvrir la voix de l’enfant, elle fit tomber à terre, comme par mégarde, toute sa batterie de cuisine, puis ramassa avec un grand bruit marmites et casseroles, en vociférant. Cependant Esther, la sœur aînée, qui était cachée auprès de Pierre, comprenant tout le danger – elle avait sept ans – avait arrêté les cris de l’enfant en lui fermant la bouche avec sa main. Et quand les soldats furent partis, et que Ruffine accourut, elle trouva Pierre presque étouffé. »
Le 3 janvier 1573, la famille arrive à Sedan. Epuisée par la persécution, Françoise y meurt le 13 février. En 1574, Joachim se remarie avec Julienne-Guillemette d’Avrigny d’Ancerville (1550-1609), la veuve d’un pasteur du nom de Pierre Mercadet. De ce mariage naîtront au moins trois enfants : Marie (1574-1657), Jean et Daniel (1585- ?). Par la suite, Joachim sert de nouveau l’Eglise de Soissons qui se réunit à Saint-Pierrelles, mais les troubles l’obligent plusieurs fois à chercher refuge à Sedan où se trouvent ses trois aînés.

En 1583, Pierre perd son frère aîné Joachim, qui se noie dans le Gave de Pau près d’Orthez.

En 1584, son père se fixe de nouveau à Sedan. Pierre y suit les cours du collège, nouvellement fondé.

En 1588, Pierre perd son frère cadet Eléazar dans des circonstances dramatiques : Ayant quitté ses études, il s’était mis
« ès trouppes commandées par M. de la Noüe Bras de fer. Luy & ses gens, surmontés par la multitude, furent tous tués et despouillés tout nuds, & jettés ensemble en une fosse cavée exprès pour les enterrer. Mon frère n’estoit pas encore mort, & quand on le prit pour le mettre avec les autres, il se mit à parler, demandant la vie, & promettant rançon. Mais ils ne laissèrent pas de le mettre avec les autres, & il fut enterré vif. »
En cette même année, Joachim, malade et pauvre, ayant de jeunes enfants à élever, signale à Pierre qu’il doit désormais pourvoir tout seul à sa subsistance. Après un voyage périlleux à Paris, il lui indique la route de l’Angleterre, lui remet douze écus et le quitte. Dans son autobiographie, Pierre décrit la scène avec des mots touchants :
« Je le suivis de l’œil tant que je pus, & me mis à genoux sur le grand chemin, priant Dieu pour sa conservation parmi les périls, & pour la prospérité de lui & de sa maison, car je faisois estat de ne le revoir jamais. Et demanday à Dieu qu’il voulust m’estre mon père & mon conducteur, puisque je n’avoy plus de père sur la terre. »
Il arrive à Londres où il vit dans une grande pauvreté. Il s’engage au service d’un gentilhomme anglais, mais doit le quitter lorsque celui-ci passe dans le camp papiste. Il devient alors précepteur du fils de la comtesse de Rutland qui étudiait à Cambridge, ce qui lui permet de suivre également des cours. Ensuite, il accepte une proposition de devenir pasteur dans l’Eglise de Paris, mais ce projet est retardé par les guerres de la Ligue.

Après quatre années en Angleterre, en 1592, Pierre se rend à Leyde. Ayant perdu tous ses biens dans un naufrage, il doit accepter une modeste charge de maître adjoint au collège de la ville. Il doit quitter ce poste peu après, victime de la jalousie du principal du collège. Il est nommé professeur de philosophie à l’Académie de Leyde. Il occupe cette position pendant un peu plus de cinq ans.

En 1596, il publie son premier ouvrage scientifique, sa Logique, qui rencontre un succès considérable. En cette année, il fait aussi un voyage à Paris, où sévit la peste, et à Jargeau où se réunit l’Eglise d’Orléans dont son père est le pasteur. De retour à Leyde, son protecteur, M. de Buzenval, cherche à le faire renoncer au ministère pastoral et lui propose de partir avec l’ambassadeur de Henri IV en Turquie. Pierre est tenté par cette proposition, mais Henri IV change d’ambassadeur et Pierre voit dans cet échec un ordre de Dieu. Il part pour Paris.

Après un voyage tumultueux où il frôle à plusieurs reprises la mort, il arrive à Jargeau en 1598 et y demeure pendant trois mois avec son père. En décembre, lors d’un colloque à Gien, il est reçu dans a charge pastorale et on lui impose les mains. Après deux mois dans l’Eglise de Blois, il arrive à Paris le 28 février 1599.

A ce moment, la paix religieuse est rétablie en France depuis un an, par l’Edit de Nantes. Les protestants vivent donc dans une relative tranquillité pendant environ vingt ans. A peine arrivé à Paris, Pierre accompagne Catherine de Navarre, sœur de Henri IV, dans son voyage annuel en Lorraine. A l’occasion de ce voyage, lors d’une halte à Vitry-le-François, il est logé chez une « demoiselle de la religion », Marie Colignon, fille du gentilhomme M. de Chalitte et veuve du pasteur Samuel Le Pois. Le mariage a lieu le 3 juin 1599.

En 1603, Pierre est député au synode général de Gap.

Dans un premier temps, Pierre exerce à Grigny, dans la banlieue de Paris ; en 1606, le duc de Sully obtient l’autorisation pour les protestants de se rapprocher de la capitale, en s’installant à Charenton-Saint-Maurice (aujourd’hui appelé Saint-Maurice). Pendant cette période de sa vie, Pierre a eu au moins cinq enfants : Pierre (1601-1684), Esther (1603- ?), Louis (1605-1684), Cyrus (1608-1672) et Marie.

A Paris, Pierre se consacre notamment à la controverse anticatholique. Il se livre à de grandes batailles de plume et se fait un nom en tant qu’orateur dans des « conférences » théologiques, organisées le plus souvent à la demande d’une « personne flottante entre les deux religions ». Pierre semble avoir fait preuve d’une grande finesse de pensée et de beaucoup d’à-propos, tout en usant un langage extrêmement violent. Les autres pasteurs se reposent sur lui, les catholiques cherchent à se mesurer avec lui, et plusieurs ont du mal à s’en sortir honorablement face aux talents et à la verve de Pierre. Gédéon Gory note : « Sa réputation est devenue universelle. Discuter avec lui est un moyen d’acquérir de la renommée. Il ne se passait pas une semaine qu’il ne fût occupé à une grande dispute, pas un jour qu’il n’eût à sa porte le carrosse de quelque seigneur désireux de l’entendre. Henri IV le connaissait, et voyait avec ennui l’agitation dont il était cause. » Pendant sa période parisienne, Pierre semble également avoir fait l’objet de plusieurs tentatives d’assassinat.

En 1612, il est modérateur-adjoint au synode de Privas qui cherche à réunir les Eglises orthodoxes de tous les pays. Mais son esprit polémique le rend peu apte à cette fonction. Il n’est pas député au synode de Tonneins en 1614 ; un de ses ouvrages déclenche une lutte qui compromet l’union des Eglises réformées.

En 1615, il se rend en Angleterre, à l’invitation de Jacques Ier, après avoir juré à l’Eglise de Paris de revenir « en bref ». Il aide le monarque en préparant une réponse à des discours critiques et prêche en français devant le roi dans la chapelle du palais de Greenwich. On lui décerne le degré de docteur de l’université de Cambridge. Au bout de trois mois, il rentre à Paris. Jacques Ier le remercie de son aide en lui allouant une prébende à Cantorbéry, à cette occasion, les chanoines l’obligent à s’assujettir aux lois et coutumes de l’Angleterre. Cette obligation lui vaut par la suite d’être suspecté d’être à la solde des Britanniques.

Calviniste convaincu, Pierre lutte avec vigueur contre les courants arminiens. En 1620, il est modérateur du synode d’Alais et fait admettre une confession de foi anti-arminienne, le serment d’union. Gédéon Gory note : « Du Moulin est à l’apogée de sa gloire et de son influence. Redouté de ses adversaires catholiques, vainqueur de l’hérésie salmurienne, il est l’homme le plus en vue parmi les protestants, le plus grand docteur que notre Église ait eu, quand survient dans sa vie un grand bouleversement. »

En effet, peu de temps avant le synode d’Alais, il a cédé à la demande de l’ambassadeur du roi d’Angleterre auprès de Louis XIII, d’écrire à Jacques Ier pour l’inviter à défendre le roi de Bohème. Ses lettres étant parvenu au conseil privé du roi de France, on décide de le faire arrêter et emprisonner pour avoir invité un roi étranger à prendre les armes en faveur des Eglises réformées. Ceci coïncide avec les démarches de Louis XIII en vue de priver les protestants de France des places fortes que l’Edit de Nantes leur avait accordées.

Averti du danger, Pierre part pour Sedan où il arrive le 5 janvier 1621. Il y est bien reçu par le duc de Bouillon, et en effet, hormis quelques voyages, il y reste jusqu’à sa mort. Le 1er octobre, il est nommé pasteur et professeur de théologie à Sedan.

Le 12 août 1622, Marie Colignon meurt. Pierre reste veuf pendant quinze mois, puis se remarie, contre l’avis de sa famille avec Sarah de Gelhay, de 29 ans sa cadette, dont Pierre Bayle dit dans une lettre qu’elle est « fort belle, mais d’un esprit médiocre » et dont il aura encore au moins deux fils (Henri et Daniel) et une fille (Marthe). Certains auteurs évoquent dix enfants issus de ce mariage qui, par ailleurs, ne semble pas avoir été très paisible.

En 1623, il travaille de nouveau pour Jacques Ier, mais il repart pour Sedan à la mort du roi. Il y arrive à l’issue d’un voyage très mouvementé où il a échappé à plusieurs reprises à l’arrestation. Il tombe gravement malade, puis, enfin rétabli, il publie la Nouveauté du papisme.

A Sedan, Pierre mène une vie assez tranquille ; il enseigne à la faculté et prêche tous les dimanches. Cette période de sa vie est marquée par une grande production littéraire ; il écrit notamment des ouvrages de controverse dirigés contre les catholiques.

En 1628, il entreprend un voyage à Liège et Namur ; une fois de plus, il échappe de peu à l’arrestation.

En 1634, le duc de Bouillon épouse une catholique ; en 1636 il abjure.

Une autre source de tristesse pour du Moulin est le progrès de l’arminianisme au sein des Eglises réformées. En 1637, il cherche à renouveler son exploit de 1620 en imposant un serment aux membres du synode provincial de Charenton, mais le vent a tourné : son projet échoue. Idem au synode national d’Alençon de la même année.

Le duc de Bouillon finit par s’attirer la disgrâce de Louis XIII et doit lui céder sa principauté en 1642. Du Moulin peut néanmoins rester à Sedan. Entre 1642 et 1647, il souffre d’une maladie qui menace sa vie à plusieurs reprises. Quand il en guérit, il publie encore quelques ouvrages, et notamment les cinq dernières Décades.

En 1654, il tombe du cheval, et sa santé se dégrade à partir de ce moment.

Il meurt le 10 mars 1658, à l’âge de 90 ans.

Source principale : Gédéon Gory, Pierre du Moulin. Essai sur sa vie, sa controverse et sa polémique, Thèse présenté à la faculté de théologie protestante à Paris pour obtenir le grade de bachelier en théologie, Fischbacher, Paris, 1888, 80 p.

Aussi publié sur mon site (ici).