Benjamin de Brissac naît le 31 mars 1677 à Châtellerault (Vienne). Son père est Benjamin de Brissac, sieur du Vigneau [1] (1640-1721), pasteur de l’Eglise réformée du lieu, sa mère Suzanne Catillon (1663-1721) [2], fille de Jean Catillon, marchand joaillier et « garde des pierreries de son Altesse Royale, Mademoiselle d’Orléans » [3]. Benjamin est le fils âinée, suivi de cinq filles dont la dernière naît en 1685.
NB: Nous avons publié une biographie de Benjamin de Brissac père ici.
Le Poitou fait partie des régions où la persécution des protestants est particulièrement violente ; dès 1682, la plupart des Temples sont fermés ou démolis, et les dragonnades achèvent de briser la résistance protestante.
En août 1685, les dragonnades reprennent à Niort, Poitiers, Châtellerault et Loudun. Peu avant la révocation de l’Edit de Nantes, le 18 octobre, la famille de Brissac se rend à Paris chez grand-père Catillon ; seule la fille la plus jeune, qui n’a qu’un an, reste avec sa nourrice à Châtellerault. Le père de Benjamin ainsi que deux de ses oncles, tous pasteurs de l’Eglise réformée, envisagent l’exil [4], mais ils hésitent lorsqu’ils comprennent que leurs familles n’obtiendraient pas l’autorisation de quitter la France [5].
Après un moment d’indécision, la famille se déchire. Le père de Benjamin, après avoir poussé son frère et son beau-frère à la quasi-abjuration, se ravise et se rétracte. Son refus d’abjurer lui vaut d’être jeté à la Bastille le 29 janvier 1686, sur ordre du roi. Son frère et son beau-frère, par contre, abjurent et se font même convertisseurs. Pressée de toutes parts, la mère de Benjamin abjure également le 12 février [6]. Son père, en revanche, est relâché de prison, à condition de sortir immédiatement du royaume [7]. Il se rend à Morges (canton de Vaud, Suisse). Après quelques semaines en Suisse, il se rend aux Pays-Bas et trouve une place dans l’Eglise d’Amsterdam. Il est soutenu financièrement par l’état et par le consistoire de la ville.
Dans les premiers jours de septembre 1686, la police arrête une femme du nom de Melon, venue à Paris pour conduire hors du royaume deux des enfants de Benjamin. Le 17 décembre, Suzanne, qui est toujours en France, reçoit l’ordre de se retirer à Loudun ou à Châtellerault, avec ses enfants, et de ne pas venir à Paris sans permission. Elle réussit néanmoins à rejoindre son mari avec quatre de ses enfants, dont Benjamin. Ayant abjuré, elle est « reçue à la repentance » le 28 mars 1688. Les biens des parents de Brissac sont données aux membres de la famille qui ont embrassé le catholicisme.
Benjamin suit l’exemple de son père et se consacre à la théologie. Ayant achevé ses études à Amsterdam, il s’inscrit à Leyde le 8 août 1695. Il devient candidat en théologie en avril 1702.
En 1703, il est consacré pour suivre, en qualité d’aumônier, le régiment wallon conduit par le prince de Nassau-Sarrebruck. Dans les Articles résolus au Synode des Eglises wallonnes des Provices-Unies des Pays-Bas à Heusden, le 23 août 1703, nous lisons, à l’article III :
« Sur la Lettre de S. A. Monsieur le Prince de Nassau Sarbruck, Colonel du Régiment Wallon, demandant à cette Compagnie de vouloir examiner le Sieur Benjamin de Brissac, l’un de nos proposants, et de lui faire donner l’imposition des mains, pour pouvoir exercer dans son régiment, toutes les fonctions du saint ministère, conformément à l’Acte de nos Seigneurs du Conseil d’Etat ; ayant aussi vu une attestation séparée, que Monsieur le Prince a donné en sa faveur, tant de sa bonne conduite, que de ses prédications, et après la lecture des instructions de quelques Eglises, qui lui rendent aussi un bon témoignage, il a été admis à l’examen péremptoire. »
et à l’article XI :
« Le Sieur Benjamin de Brissac, l’un de nos proposants, ayant été ouï [8] en proposition, et examiné péremptoirement, et Messieurs les commissaires établis pour son Examen, ayant rapporté qu’ils en avaient été satisfaits. La Compagnie, en lui souhaitant la bénédiction du Seigneur sur le ministère, dans lequel il doit entrer, a choisi n[otre] t[rès] h[onoré] f[rère], Monsieur Hibelet, Pasteur de Bois-le-Duc, et scribe de ce Synode, pour donner audit Sieur de Brissac l’imposition des mains à Bois-le-Duc, où le Régiment Wallon, dont il doit être le ministre, est en garnison, et pour établir dans le même régiment un consistoire. »
En avril 1705 [9], Benjamin est établi pasteur extraordinaire de l’Eglise wallonne d’Amsterdam ; il devient ainsi un collègue de son père.
Au mois de mai 1712, sa mère Suzanne meurt ; elle est inhumée le 23 mai dans la grande Eglise wallonne (Waalse Kerk). Son père meurt à Amsterdam en 1721. Dès l’année suivante, sa pension est reversée à ses filles.
Benjamin semble avoir mené une carrière pastorale ordinaire [10]. Nous possédons un de ses sermons qu’il a prononcé à Amsterdam le 4 Mars 1744, jour de jeûne : « Sion fondée par l’Eternel ou la République des Provinces-Unies protégée : Sermon sur les révélations du prophète Esaïe 14.32 ».
Benjamin meurt sans enfant le 9 ou 10 janvier 1746. En cette année, ses sœurs Susanne et Marie-Susanne sont encore dames pensionnaires des Etats de Hollande.
Sources principales
- Eugène et Emile Haag, La France protestante. Tome II, Paris, 1847, p. 514-515
- O. Douen, « Chute et relèvement, ou Une famille de pasteurs à la révocation de l’Edit de Nantes », Bulletin historique et littéraire (Société de l’Histoire du Protestantisme Français), Vol. 21, No. 4, 1872, pp. 169-183
- O. Douen, La révocation de l’Edit de Nantes à Paris d’après des documents inédits. Tome deuxième, Paris, Fischbacher, 1894, 619 p.
- Bulletin de la Commission pour l’histoire des Eglises wallonnes. Tome troisième, La Haye, Martinus Nijhoff, 1888, p. 26
Annotations
[1] Dans les textes, il est parfois nommé « M. Du Vigneau ».
[2] Les Archives nationales (Châtelet de Paris. Y//231-Y//234. Insinuations (11 janvier 1675 - 29 janvier 1678)) comportent le contrat du mariage du 11 février 1676 (où nous apprenons, entre autres, que contrat de mariage a été passé en présence de Jean Claude, pasteur à Charenton, et que « la future épouse apporte une somme de 18 000 livres tournois »), ainsi qu’une donation entre époux en date du 14 septembre 1676.
[3] Douen, La révocation de l’Edit de Nantes à Paris d’après des documents inédits. Tome deuxième, Paris, Fischbacher, 1894, p. 309, estime que Jean Catillon était « très vraisemblablement originaire de Châtellerault ».
[4] L’article 4 de l’Edit de Fontainebleau enjoint « à tous ministres de ladite R. P. R. qui ne voudront pas se convertir et embrasser la R. C. A. et R., de sortir de notre royaume et terres de notre obéissance, quinze jours après la publication de notre présent édit, sans y pouvoir séjourner au delà, ny pendant ledit tems de quinzaine, faire aucun prêche, exhortation ny autre fonction à peine des galères ».
[5] Lettre de Jean de Brissac à son demi-frère Jacques, ancien pasteur de Nantes réfugié à Londres, reproduite dans Douen, op.cit., p. 313s
[6] Douen, op.cit., p. 317 écrit à son sujet : « Quant a Mlle Du Vigneau, dont le courage avait relevé celui de son mari, elle résista trois mois et demi aux reproches de ses parents qui nourrissaient sa nombreuse famille, aux obsessions de l’ancien ministre Marchand, aux menaces du commissaire Delamare et du capitaine Desgrez. Elle ne succomba que quand son mari eut été mis à la Bastille, et à force de s’entendre répéter qu’elle ne pouvait le sauver qu’en abjurant. » Douen cite aussi une note du commissaire Delamare du 12 février 1686 : « Mlle Du Vigneau, après avoir persisté autant qu’elle a pu à demander du temps, a enfin signé sa soumission; elle fera sa réunion avant huit jours. M. Catillon s’est chargé d’elle et de ses enfants pendant ce temps. J’ai trouvé chez elle un Marchand, ministre converti, auquel elle a beaucoup de confiance, et qui s’est chargé de la voir tous les jours pour l’instruire. M. Fontaine sera aussi prié de venir demain. »
[7] La date précise de sa libération est incertaine. Douen, op.cit., p. 318 parle du 11 mars 1686, en invoquant des archives (Arch. Bast., VllI, 381), mais en même temps il cite l’ordre du secrétaire d’état Seignelay du 11 février, de « faire saisir à Loudun les biens et effets de du Vigneau, ci-devant ministre et gendre de Catillon, qui s’est absenté, et de charger quelqu’un de ses parents catholiques d’un enfant de sept à huit mois seulement qu’il a laissé à Loudun. » (p. 322).
[8] entendu
[9] Douen, op.cit., p. 323 dit que c’était le 19 avril, alors que la légende du portrait de Benjamin fils mentionne le 10 avril. La date donnée par Douen a l’avantage d’être un dimanche.
[10] On peut signaler que le Bulletin de Généalogie et d’Histoire de la Caraïbe (n° 118, septembre 1999, p. 2614) spécule que Benjamin de Brissac aurait été présent à Saint-Christophe (petites Antilles) en 1735. Il se réfère au cahier Carribeana n° VI de 1919 (consultable ici), p. 98 et 101. On y apprend que, le 11 août 1732, le marin (mariner) Benjamin de Brissac a offert une jeune esclave noire à sa nièce Sarah Hardtman, fille de sa sœur Katherine, et qu’en juillet 1735, il a vendu deux esclaves à sa sœur pour 20 £. Comme cet homme est marin, nous pensons qu’il ne peut s’agir de notre Benjamin de Brissac.
Egalement publié sur mon site Internet (ici).
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