lundi 5 décembre 2016

Sagesse et science de Dieu



Dans la cinquième section de la première partie de son Abrégé de la théologie, Jacques Saurin (1677-1730) se penche sur une autre vérité que la religion naturelle nous révèle : Dieu est un Etre souverainement sage et qui fait toutes choses. 

 

Demande du catéchiste : Quelle est la quatrième idée que vous vous formez de la divinité ?

 

Réponse du catéchumène : C’est la science ou la sagesse ; ces deux termes ne signifient qu’une même chose envisagée sous deux différents point de vue [1].


D.     Expliquez-les.


R.      Par la science, j’entends cet attribut de Dieu qui lui découvre tout ce qui est et tout ce qui peut être, et quand je dis que Dieu est sage, j’entends que comme il connaît les moyens les plus propres pour parvenir au but qu’il se propose, il les suit ponctuellement.


D.     Comment prouvez-vous que l’Etre éternel a cette science et cette sagesse que vous lui attribuez ?


R.      Je le prouve par l’usage qu’il a fait de sa puissance dans les œuvres de la création.


D.     De quelle manière les œuvres de la création vous prouvent-elles ces deux attributs ?


R.      La régularité des saisons, l’exacte succession [2] du jour et de la nuit ; l’harmonie [3] qu’il y a dans les parties du corps humain ; la proportion qui se trouve entre le grain de blé qu’on sème et la terre qui le nourrit, et le soleil qui le fait germer ; les facultés de mon esprit qui pense et qui réfléchit, qui pose des principes [4], qui tire des conséquences [5], qui forme des projets ; toutes ces choses me persuadent que celui qui les a créées doit avoir un grand fonds de science et de sagesse.


D.     Mais n’y a-t-il pas divers ouvrages de Dieu dans lesquels vous ne trouvez aucune marque de sagesse, ni de science ?


R.      Il est vrai ; je suis pourtant bien convaincu qu’ils sont faits avec science et avec sagesse.


D.     Comment pouvez-vous vous persuader qu’il y a de la sagesse et de la science dans des choses où vous n’en découvrez aucune ?


R.      Il me suffit d’en découvrir dans celles que je connais, pour me convaincre qu’il y en a dans celles où je n’en découvre point.


D.     Comment la sagesse et la science que vous découvrez dans certaines choses vous prouvent-elles qu’il y en a dans celles où vous n’en découvrez point ?


R.      C’est que quand je me suis convaincu que le Créateur est assez sage et assez éclairé pour régler les choses que j’admire, je suis convaincu aussi qu’il le serait assez pour changer l’ordre de celles qui me semblent mal réglées, s’il était à propos qu’elles le fussent d’une autre manière. Il a été assez sage pour faire que le soleil éclairât les hommes qui sont sur la surface de la terre, il le serait assez pour procurer une chandelle à celui qui est dans l’obscurité d’une prison, si cela était à propos, et ainsi du reste.


D.     Que concluez-vous donc quand vous voyez certaines choses qui vous paraissent contraires à la science et à la sagesse du Créateur ?


R.      Loin de conclure qu’il manque de sagesse et de science, j’en conclu au contraire qu’il est plus sage et plus savant que moi, puisque non seulement il a fait paraître tant de sagesse et tant de science dans les choses où j’en découvre, mais qu’il en a mis même dans les choses où mon petit esprit n’en saurait découvrir.


D.     Quelle conséquence pour la conduite de votre vie tirerez-vous de la sagesse et de la science du Créateur ?


R.      Quand je verrai dans les ouvrages de la nature certaines choses dont je ne pourrai trouver la raison, je croirai pourtant qu’elles sont faites avec raison, et j’adorerai mon Créateur dans les choses que je ne connais que d’une manière imparfaite, comme je l’adore dans celles qui me sont connues parfaitement. Quand je verrai qu’un tyran opprime l’Eglise, que des afflictions me surviennent, lorsque je suis le plus sincèrement occupé de mes devoirs, je penserai que le Dieu sage a de bonnes raisons dans cette conduite, j’espérerai que la lumière sortira un jour de ces ténèbres. Quand je serai tenté de commettre un crime, parce que je suis sans témoins, je penserai que je suis sous les yeux de Dieu ; je me dirai à moi-même : « Dieu me voit, Dieu sait ce que je pense et ce que je projette, Dieu connaît tout ce que je vais entreprendre, il saura bien trouver les moyens de m’en châtier.




On chantera à la fin de cette Section les trois premiers versets du Psaume 139.



[1] C’est-à-dire : d’une manière différente
[2] La succession de deux choses signifie qu’elles se suivent l’une l’autre.
[3] On appelle l’harmonie de deux choses ce qui fait qu’elles tendent toutes au même but : il y a de l’harmonie entre nos yeux et nos oreilles, c’est-à-dire que les oreilles et les yeux contribuent les uns et les autres au bien de notre corps.
[4] Un principe, c’est une proposition que l’on avance et sur laquelle on établit une autre proposition. « Un tout est plus grand qu’une de ses parties. » Voilà une proposition dont je fais un principe ; sur cette proposition j’établis cette autre proposition : « Une chambre est moins grande que la maison dont elle n’est qu’une partie. »
[5] Conséquence, c’est la proposition qu’on établit sur le principe.



Egalement publié sur mon site consacré à la prédication française (ici).

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