Dans la quatrième section de la première partie de son Abrégé de la théologie, Jacques Saurin (1677-1730) se penche sur une autre vérité que la religion naturelle nous révèle : la toute-puissance de Dieu.
Demande du catéchiste : Quelle est la troisième idée que vous vous formez de la divinité ?
Réponse du
catéchumène : C’est la
puissance.
D. Qu’entendez-vous par la puissance de
Dieu ?
R. J’entends
cet attribut qui fait que dès que Dieu veut qu’une chose soit, elle est
infailliblement.
D. Sur quoi la persuasion où vous êtres que cet
attribut convient à Dieu est-elle fondée ?
R. Comme
l’idée du Dieu créateur m’a conduit à celle d’un Dieu éternel, aussi l’idée
d’un Dieu éternel et celle d’un Dieu créateur me conduisent à celle d’un Etre
tout-puissant.
D. Comment ces deux premiers attributs vous
conduisent-ils au troisième ?
R. Je
me transporte par la pensée [1] dans ce période [2] pendant lequel les choses
qui ont eu un commencement n’étaient pas encore ; je me représente la
divinité qui forme le dessein de créer les choses qui sont. Il veut qu’elles
soient ; cette volonté les fait être. Il veut qu’il y ait un soleil :
cette volonté fait qu’il y a un soleil. Il veut qu’il y ait une terre :
cette volonté fait qu’il y a une terre. Il veut qu’il y ait des hommes, des
plantes, des animaux : cette volonté fait qu’il y a des hommes, des
plantes, des animaux. Je ne connais rien qui me donne une plus grande idée de
puissance.
D. Les êtres que Dieu a créés n’ont-ils pas aussi
de la puissance ?
R. Oui,
mais il y a toujours une grande différence entre la puissance de l’Etre créateur
et éternel et celle des êtres créés et qui ont eu un commencement.
D. En quoi consiste cette différence ?
R. Comme
les êtres qui ont été créés ne se sont pas créés eux-mêmes, ils ne se sont pas
aussi donné à eux-mêmes la puissance qu’ils ont ; ils la tiennent de Dieu.
C’est une puissance empruntée ; celui qui la leur a donnée peut la leur
ôter. Celui qui a donné à un homme d’esprit la puissance qu’il a de bien
raisonner peut, quand il lui plaira, le rendre stupide. Celui qui a placé un
roi sur le trône [3] peut, quand il lui plaira, le rendre aussi misérable que
le plus misérable de ses sujets. Mais Dieu ne doit sa puissance qu’à
lui-même ; personne ne la lui a donnée, personne ne peut l’en priver.
D. Quels sentiments devez-vous avoir pour l’Etre
tout-puissant ?
R. Je
dois avoir pour lui, et pour lui seul, la souveraine crainte et la souveraine
confiance.
D. Qu’entendez-vous par la souveraine
crainte ?
R. C’est
cette disposition de mon esprit qui me persuade que si Dieu voulait me rendre
malheureux, je le serais, quand [bien] même toutes les créatures du monde se
réuniraient pour contribuer à mon bonheur.
D. Comment pouvez-vous avoir cette
persuasion ?
R. Un
homme riche peut contribuer à mon bonheur en me faisant part de son bien, mais
Dieu peut ôter à un homme toutes ses richesses. Donc si Dieu veut que je sois
pauvre, un homme riche ne se donnera que des mouvements inutiles pour
m’enrichir. Un médecin peut contribuer à mon bonheur en me fournissant de bons
remèdes lorsque je suis malade, mais Dieu peut empêcher quand il lui plaît que
les remèdes n’aient du succès ; ainsi un médecin ne se donnera que des
soins inutiles pour me guérir si Dieu veut que je sois malade.
D. Qu’entendez-vous par la souveraine confiance ?
R. C’est
cette disposition de mon esprit qui fait que je regarde Dieu comme seul capable
de me rendre heureux, en sorte que quand tous les hommes du monde viendraient à
se réunir pour me rendre misérable, je serais pourtant heureux, pourvu que Dieu
veuille que je le sois.
D. Comment cela ?
R. Un
ennemi pourrait contribuer à me rendre malheureux en me persécutant, mais Dieu
peut quand il le veut ôter à un ennemi le moyen de me persécuter. Un assassin
pourrait contribuer à me rendre malheureux en me faisant mourir d’une mort
violente, mais Dieu peut ôter la vie à l’assassin même, et me conserver la
mienne. Il n’y a donc que Dieu qui mérite une souveraine confiance, comme il
n’y a que lui qui mérite une souveraine crainte.
D. Mais comment doit se conduire une personne
raisonnable, qui croit que Dieu seul est digne de la souveraine crainte et de
la souveraine confiance ?
R.
Elle doit regarder comme le plus grand de tous les biens d’avoir Dieu dans ses
intérêts, et faire tout ce qui dépend d’elle pour cela. Elle doit regarder
comme le plus grand de tous les malheurs d’avoir déplu à Dieu, et éviter avec
tout le soin dont elle est capable de tomber dans ce malheur. Elle doit être
contente quand Dieu est pour elle, quelque malheureuse que sa condition puisse
lui paraître ; elle doit être dans une profonde affliction quand Dieu est
contre elle, quelque riante que sa condition lui semble d’ailleurs. Si Dieu est
pour nous, qui est-ce qui sera contre nous. Et si Dieu était contre nous, qui
est-ce qui serait pour nous ?
On chantera à la fin de cette Section la première partie du Psaume 19.
[1] C’est-à-dire : je pense
[2] temps
[3] C’est un siège sur lequel
le roi est assis quand il agit comme roi. On entend aussi par le trône
la puissance du roi.
Egalement publié sur mon site consacré à la prédication française (ici).
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