lundi 18 juin 2018

Jacques Saurin sur la nécessité de la religion révélée



Nous abordons maintenant la seconde partie du Catéchisme de Jacques Saurin (1677-1730), qui traite de la révélation spéciale. Dans la section première, il est question de la nécessité de cette révélation. Vous noterez que Saurin est déjà un enfant des Lumières et que sa vision de l’homme naturel et des capacités de la raison est bien plus optimiste que celle des Réformateurs.
 
Demande du catéchiste : N’avons-nous point d’autres secours pour connaître Dieu et le culte qu’il demande de nous, que la religion naturelle ?

Réponse du catéchumène : Nous avons le secours de la religion révélée.

D.     Qu’entendez-vous par la religion révélée ? 

R.      Celle qu’il a plu à Dieu de nous enseigner lui-même.

D.     Pourquoi a-t-il ajouté la révélation [1] à la religion naturelle ? 

R.      C’est que la religion naturelle ne suffisait pas pour nous découvrir toutes les vérités dont la connaissance était nécessaire pour notre bonheur.

D.     Quels défauts a-t-elle ? 

R.      Elle en a de deux sortes : il y en a qui viennent des hommes même à qui elle a été donnée ; il y en a qui viennent de sa propre insuffisance.

D.     Quels sont les défauts de la religion naturelle qui viennent des hommes à qui elle a été donnée ? 

R.      Ce sont les erreurs qu’ils y avaient mêlées. Ils ne s’étaient pas servis des créatures pour connaître le Créateur ; ils avaient mis à la place du vrai Dieu les hommes, les plantes, les animaux et les démons mêmes. Ils s’étaient formé de fausses idées de l’homme, de sa nature, de sa première destination, et de sa dernière fin ; ils avaient regardé de grands vices comme des choses indifférentes, et de grandes vertus comme des chimères, et ils avaient substitué [2] ces fausses idées à celles que leur propre raison leur aurait données, s’ils avaient voulu la consulter.

D.     Mais comment les défauts que les hommes avaient mêlés à la religion naturelle vous persuadent-ils que le genre humain avait besoin d’une religion révélée ? 

R.      C’est que notre propre raison ne nous aurait pas fait connaître ces défauts, et ne nous en aurait pas garantis [3].

D.     Ces défauts choquent pourtant la raison. Comment dites-vous qu’elle ne nous les aurait pas fait connaître, et qu’elle ne nous en auraient pas garantis [3] ? 

R.      C’est qu’une mauvaise éducation rend le bon usage de la raison très difficile, et que les hommes n’auraient pas voulu surmonter toutes les difficultés qui les auraient empêché de discerner la vérité d’avec le mensonge.

D.     Prétendez-vous donc que ceux qui n’ont pas connu la religion naturelle soient innocents, parce qu’ils n’avaient pas d’autre secours que ceux de leur raison, pour s’apercevoir des défauts qu’on y avait mêlés ? 

R.      Ils sont coupables de n’avoir pas découvert ces défauts, mais Dieu, qui est bon, a voulu leur donner la révélation, afin qu’ils puissent plus aisément les découvrir.

D.     Qu’entendez quand vous dites que la religion naturelle a des défauts qui viennent de sa propre insuffisance ? 

R.      Je veux dire qu’elle ne pouvait nous enseigner certaines vérités, dont la connaissance est nécessaire à l’homme pécheur.

D.     Quelles sont ces vérités ? 

R.      Il y en a un grand nombre touchant la nature de Dieu et touchant à la nature de l’homme, mais la principale des vérités dont la connaissance nous était nécessaire et que la religion naturelle ne pouvait découvrir, c’est que Dieu veut faire miséricorde aux pécheurs repentants.

D.     Pourquoi la religion naturelle ne pouvait-elle nous enseigner ce que nous trouvons dans la religion révélé, touchant la nature de Dieu et celle de l’homme ? 

R.      C’est que nous avons l’esprit trop borné pour les découvrir par notre propre méditation.

D.     Pourquoi la religion naturelle ne saurait-elle suffire à nous enseigner que Dieu veut faire miséricorde aux pécheurs repentants ? 

R.      Parce que si Dieu pouvait faire miséricorde aux pécheurs repentants, il pouvait aussi les condamner ; il n’y a que Dieu qui put savoir, et il n’y a que lui qui put nous apprendre s’il prenait le parti de les condamner ou celui de leur faire miséricorde.

D.     Quel est l’abrégé des raisons que vous venez d’alléguer [4] pour prouver que les hommes avaient besoin d’une religion révélée ? 

R.      Le voici : la religion naturelle avait des défauts que les hommes y avaient mêlés par leur propre faute, et qu’une mauvaise éducation nous aurait empêché de corriger. Dieu, qui est bon, a voulu nous aider dans un ouvrage qui n’était pas impossible, mais très pénible : c’est ce qu’il a fait dans la révélation. La religion naturelle avait des défauts qui venaient de sa propre insuffisance. Dieu, qui est bon, a voulu y suppléer et nous fournir des secours qu’il nous était impossible de puiser dans notre propre fonds ; c’est encore ce que, par ses grandes bontés, il a fait dans la révélation.

On chantera après cette Section les deux derniers versets du Psaume 119. 

Annotations 

[1] Révélation et religion révélée, c’est la même chose.
[2] mis à la place
[3] protégés
[4] citer

Egalement publié sur mon site Internet (ici).

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