samedi 13 juin 2015

Jean Claude (1619-1687) – Excès d’esprit


« … un des plus importants préceptes pour la tractation d’un texte et pour la composition d’un sermon est d’éviter en toutes choses l’excès : Ne quid nimis. … Il n’y faut point mettre trop d’esprit, je veux dire, trop de ces sortes de choses brillantes, surprenantes et agréables, car cela fait plusieurs méchants effets. L’auditeur ne manque jamais de dire : « C’est un homme qui fait le bel esprit et qui se prêche soi-même ; ce n’est point l’Esprit de Dieu, mais l’esprit du monde qui l’anime. » D’ailleurs, l’auditeur en est accablé : l’esprit humain a ses bornes et ses mesures, et comme l’œil est ébloui et offensé d’un trop grand éclat de lumière, notre esprit de même l’est d’un trop grand amas de belles choses. De plus cela empêche le principal effet de la prédication, qui est de sanctifier la conscience. Car quand l’esprit est accablé de trop de belles choses, il n’a pas le loisir de faire réflexion sur les objets pour les faire passer jusqu’au cœur : joint que (*) ces fortes de choses qui égaient fort l’esprit ne sont pas trop propres à émouvoir la conscience. Cela flatte l’imagination, et puis c’est tout. On ne maque aussi jamais de dire d’un tel prédicateur : « Il a de l’esprit, il a l’imagination vive et abondante ! », mais le plus souvent, on y ajoute : « Il n’est pas solide. » Enfin, il est impossible que quand on se pique de remplir un sermon de beaucoup d’esprit, on soit en état de se soutenir toujours de même sans tomber dans des redites importunes ; il est même bien difficile que dans un même sermon il ne s’y trouve plusieurs faux brillants qu’on appelle du faux esprit, comme cela se voit tous les jours par l’expérience. … »

(*) ajoutez à cela que

Extrait du « Traité de la composition d’un sermon », publié dans les « Les œuvres posthumes de M. Claude, tome premier » (1690)

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